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Il était une fois ...
2 octobre 2015

Séjour au Vanuatu

... Il est 22h quand nous tournons enfin ce cap. Aussitôt les éléments se calment et nous pouvons souffler un peu. Je rentre une à une les voiles et nous progressons lentement le long de la côte. A force de tatonner nous finissons par nous glisser entre une bouée rouge et une verte qui semble marquer l’entrée de la zone de quarantaine pour les voiliers de passage. L’endroit est petit, rempli de bateau et les fonds semblent très irréguliers. Nous jetons finalement l’ancre sur un talus remontant à 3 mètres de la surface. Nous sommes à quelques dizaines de mètres d’un front de mer illuminé par une multitude de restaurants. Retour à la civilisation, nous n’avons plus vu autant de lumière depuis Papeete.

Quel bonheur de sentir le bateau à plat, de pouvoir dormir d’une traite sans avoir à manœuvrer au milieu de la nuit, de pouvoir cuisiner sans devoir tout tenir, d’entendre les rumeurs d’une « grande » ville et ses lumières … nous sommes vraiment content d’être arrivé après ce qui fut un navigation sans aucun charme. Dommage.

Je remarque que nous sommes le vendredi soir, ce qui veut dire que nous devrons rester à bord tout le week-end, les clearance ne pouvant se faire pendant les week-end. Mais ça m’est égale car nous avons largement de quoi nous occuper à bord, pour remettre le bateau en ordre. Et pour feter notre arrivée, je sacrifie les derniers yaourts de Raïatea dans un gateau au yaourt.

Lorsque nous allons enfin nous coucher je ne sais pas encore que cette escale qui ne devait durer que les temps des formalités de clearance durera quinze jours en réalité. La météo n’est pas bonne, et un fort vent de Sud Sud Est rend très hasardeuse toute tentative de rejoindre Tanna qui se trouve plein Sud. C’est lors d’une telle tentative que Pascal finira d’achever le moteur de son voilier. Pascal, c’est le skipper du Zangra. Un Dufour 42 que nous avons croisé rapidement au Vava’u. Nous l’avons retrouvé ici par hasard avec ses deux équipiers de passage. Parti pour rejoindre Tanna, il est revenu quelques heures plus tard remorqué par un bateau après avoir cassé son moteur après que son huile s’est échappée de son réservoir à cause du fort roulis … et surtout d’un mauvais bricolage de fortune. Nous sommes nous bloqués par la météo, lui est maintenant bloqué à Port Vila avec moteur qu’il devra certainement changer … Ce sera l’occasion pour nous de sympathiser un peu avec un autre navigateur, ce que nous n’avons que très peu fait jusqu’à présent.

La fenêtre météo adéquate pour quitter Port Vila se fait attendre. Nous nous rendons vite compte que la ville n’a aucun intérêt et l’eau ne donne aucune envie de se baigner. Alors rapidement l’ennui finit par s’installer et je me mets à regrette cette décision prise à la dernière minute de changer notre point d’atterrissage.

Pour tuer le temps, nous faisons une petite virée dans la baie pour aller voir un spot de plongée repéré lorsque nous étions au Vava’u. Mais tout a changé. L’eau est plus fraiche encore et surtout elle est maintenant trouble et de teinte vert brunatre plutôt. Certains coraux sont très beaux encore mais rien à voir avec ce que j’ai vu jusqu’alors. Je ne ferai que deux plongées, juste pour être sûr de … puis nous rentrons à Port Vila, où l’attente se poursuit.

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Samedi 17 Octobre : départ de Port Vila

Quand la première fenêtre météo un peu favorable se présente, je n’hésite pas et nous organisons immédiatement notre départ. Le même parcours de clearance de sortie comme à chaque fois.

Un dernier au revoir à Pascal et nous quittons enfin Port Vila. La météo est idéale pour avancer au moteur contre le vent en tirant directement sur Tanna. Mais cela fait déjà près de deux semaines que nous ne naviguons plus et je ne suis pas en forme. Le vent forcit, puis faiblit, tourne toute la nuit et m’oblige à sortir sept fois pour rouler, dérouler le génois, lancer et arrêter le moteur. La seule chose qui arrête un instant mon bougonnement c’est ce magnifique ciel étoilé, sans lune, que je observe un instant avant de retourner rapidement dans ma couchette. Vingt ans plus tôt j’aurais passé une bonne partie de la nuit à le regarder … mais on est vingt ans plus tard.

Au matin j’ai la barre comme après un lendemain de cuite. Je sais déjà que ma journée ne sera pas bonne avec ce mal de crâne qui ne me quittera pas. Heureusement il fait beau et nous allons arriver avant la nuit à Tanna.

A 16h nous arrivons en vue de Port Résolution. A l’approche de la côte le ciel s’est teint du gris cendre des vapeurs du volcan. On ne distingue aucune habitation, seulement de grands arbres qui descendent jusqu’à la côte où la houle vient s’écraser, enveloppant le rivage d’une brume qui empêche d’en distinguer les contours avec précision. L’ile parait sauvage, et le noir et le gris semblent régner seuls ici.

(Vanuatu 18 Octobre arrivée à Port Résolution)

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La baie n’est pas indiquée comme telle sur la carte et les fonds remontent à moins de 30 mètres bien au large, alors nous avançons avec prudence dans une eau trouble. Nous progressons aussi loin que possible dans la baie et quand le fond n’est plus qu’à trois mètre et que la dérive talonne nous jetons enfin l’ancre.

Nous avons tout juste le temps de mettre le zodiac à l’eau et d’aller faire une virée sur la plage avant la nuit. Des enfants jouent sur la plage et un garçon plus âgé nous fait signe de venir à eux. A peine débarqué il se présente et propose de me faire visiter la plage. Il s’appelle Anthony. Je le suis à contre cœur car je sens que je vais être pris pour un « portefeuille en croisière » … Il me conduit à une source chaude où deux femmes lavent leur linge. L’une d’elle est sa mère et parle bien français. J’ai finalement la bonne surprise de trouver des gens très gais et manifestement heureux de faire de nouvelles rencontres.

La nuit tombe vite et nous rentrons à bord. Demain Anthony nous guidera jusqu’au volcan.

Le lendemain matin, nous avons la mauvaise surprise de trouver le bateau entièrement recouvert d’une fine pellicule noire qui crisse sous les pieds. C’est de la cendre retombée des nuages.

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Comme par hasard le seau pour laver le pont est justement tombé à l’eau à Port Vila et nous n’avons rien pour nettoyer. Il va donc falloir attendre la prochaine grosse pluie. Mais plus ennuyeux il y en a jusque dans le bateau, et ça, ce n’est pas bon du tout pour l’électronique. Dorénavant nous dormirons fermés dans le bateau.

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Alors que nous finissons notre petit déjeuner, une pirogue s’avance vers nous en silence. Elle nous aborde et son propriétaire se présente, il s’appelle Patrick. Il est venu avec deux téléphones portables pour qu’on les lui charge. Après une courte discussion, il en vient à me dire que « le carburateur de son rotofil est en panne » et qu’il aimerait bien que je vienne le réparer. Pour ne pas le décevoir je lui réponds, sans trop savoir comment je vais bien pouvoir l’aider, que je passerai demain pour voir. Lui manifestement ne doute pas que je puisse le réparer …

13h30, nous sommes au rendez-vous avec nos sac dos près pour la marche qui nous attend : appareil photo, gouté, eau, T-shirts pour toi, masque de plongée pour voir dans la fumée selon les conseils d’amis rencontrés à Port Vila, gant de toilette pour se protéger la bouche en cas de gaz toxique, une lampe de poche pour la nuit. Ça c’est mon sac à dos. Petites voitures, moto, tous les animaux de la jungle africaine, dinosaure … ça c’est le tiens.

Notre jeune guide nous aide à monter le zodiac sur le rivage. Notre ballade d’une heure peut commencer, moi équipé de mes chaussures de randonnée qui n’ont servies qu’une seule fois en Martinique, toi avec tes sandales de randonnée achetées exprès à Tahiti, et lui avec ses pieds nus.

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(Vanuatu Port Résolution_Marche vers le Volcan_de la plage au sommet avec Maxime)

Nous marchons sur une piste de sable noir qui monte jusqu’au sommet du cratère. Nous traversons une forêt tropicale assez dense, passons devant d’énormes Banians plus que centenaires aux racines entremêlées, des Pandanus, des fougères arborescentes et de grands Cicas qui nous font plonger à l’ère des dinosaures, des bambous, des cocotiers, et d’autres variétés que je ne connais pas. Comme sur la plage, des arbres énormes sont couchés parfois à moitié éclatés sur le sol.

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Ce sont les stigmates du cyclone Pam. C’était le 17 Mars dernier, je fêtais ma quarantième année pendant qu’un cataclysme s’abattait sur leur ile ravageant tout. La violence fut telle que les spécialistes durent réviser l’échelle de puissance cyclonique. Anthony nous explique que l’archipel est frappé tous les cinq ans.

Notre marche d’une heure entame déjà sa deuxième et nous n’avons toujours pas gravi plus de 50m des 1000m de dénivelés qui nous attendent. Nous traversons des petits hameaux plantés dans des clairières où les habitants s’affairent en diverses réparations. Au détour d’un chemin nous traversons un village où des enfants poussant un cerceau viennent à notre rencontre.

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Mais nous ne montons toujours pas et ça fait deux heures que notre guide nous dit que nous arrivons dans une heure. Ta patience commence à être mise à rude épreuve. Heureusement tu continues à marcher vaillamment. Au milieu de la forêt nous passons devant un abri bus posé au pied d’une école : il est 15h30 et les enfants quittent l’école. Puis nous arrivons enfin devant une cahute où une dame est assise sur une chaise à roulette de secrétaire devant une simple table sur laquelle repose une caisse en métal. Elle semble attendre quelque chose. C’est la guichetière de l’entrée du volcan et effectivement le chemin semble maintenant commencer à monter. Anthony nous confirme que nous arrivons dans une heure … la marche difficile va commencer alors en prévision j’en profite pour faire la pause gouter car depuis un moment tu m’avertis que ton essence est en train de baisser et qu’elle maintenant à 15 … menace que je prends très au sérieux !

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Nous reprenons notre marche sur un paysage qui change maintenant rapidement. Les grands arbres disparaissent un à un laissant place aux grandes fougères. L’air se fait plus frais et les vapeurs nuageuses commencent à envelopper le sillon creusé sur la pente du volcan qui nous sert de chemin. Le volcan se met à gronder et nous le ressentons jusque sous nos pieds. Cette fois, nous ne sommes plus très loin. Sur le bord du chemin, des fumeroles brulantes s’échappent mollement de la roche. Les fougères disparaissent peu à peu à leur tour et le paysage devient irréel.

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Trois heures après notre départ de la plage, 1000m plus haut, notre promenade d’une heure touche enfin à son but : le sommet est là. J’ai remarqué depuis quelques temps que notre jeune guide part parfois en tête de la marche et se met à jouer nerveusement avec son téléphone portable qu’il fait sonner. Je l’entend parler dans sa langue. Je me demande d’abord qui peut bien l’appeler à répétition à cet endroit, avant de remarquer qu’il ne porte pas son téléphone à l’oreille. En réalité il parle tout seul. Depuis que nous sommes arrivés il semble un peu tendu. Je finis par lui demander à qui il parle. Surpris par ma question il m’avoue qu’il parle à la Nature à qui il demande d’éclaircir le sommet du volcan. Il m’avoue aussi que le volcan représente quelque chose de spécial pour eux. Comme il ne semble pas avoir envie d’approfondir ce sujet j’arrête là mes questions.

Nous pénétrons dans un vaste champs de sable noir ébène très fin, parsemé de bombes volcaniques tout aussi noir, le tout enveloppé dans une brume lourde. Ces bombes que l’on trouve partout sont des grosses meringues de lave éjectée du cratère. Elles se brisent d’un coup de pied … voilà de quoi t’impressionner et t’amuser pour le reste de l’après-midi.

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Dans ce Sahara noir et brumeux, nous ne sommes pas seul pourtant. Curieusement de petites coccinelles à la carapace orange ou noir striée de vert fluorescent, des lucanes parfois, et d’autres petits insectes court entre les bombes. Un autre sujet de curiosité pour toi.

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Peu avant le sommet du volcan, noyé dans la brume nous apercevons une petite maisonnette … bâtiment insolite dans ce paysage. Ce sont les toilettes ! … se soulager au-dessus d’un volcan en activité … certainement un expérience à vivre !

Nous marchons le long du cratère que nous parvenons malheureusement pas à apercevoir car nous sommes plongés dans d’épais nuages que les Alizés rabattent en permanence sur le sommet du volcan. Il est là pourtant, et la première explosion nous fait sursauter et nous arrête net dans notre progression. Cette première rencontre est réellement effrayante et nous sommes presque sur le point de courir à la voiture qui nous attend pour la redescente. Nous finissons par nous habituer à ses grondements réguliers du cratère qui bouillonnent à 400m en contre-bas. L’atmosphère est étrange. Il n’y a autour de nous que deux matières : du sable et de la vapeur d’eau. Nous sommes en plein après-midi et pourtant tout est sombre : le sol est noir et la brume d’un gris épais. Même notre guide est noir. En fait, nous sommes les seules taches blanches dans ce paysage étrange !

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Nous restons plusieurs heures à écouter la respiration du volcan : à travers le souffle du vent qui fouette le volcan on devine seulement un léger bouillonnement, puis des grondements, le bruit de pan de roche qui s’écroule dans le cratère, d’autres éléments qui s’écouler dans le cratère dans un bruit de ruisseau. Puis une explosion nous arrache brutalement de notre contemplation en nous envoyant une sacré poussée d’adrénaline pendant que le sol tremble sous nos pieds. Tout cela se passe derrière un épais rideau brumeux défilant à grande vitesse et on ne peut qu’essayer de deviner avec regret le spectacle qui s’y joue.

Je demande à Anthony si nous pouvons continuer à avancer sur l’arête du cratère mais il tente de m’en dissuader avec un air inquiet. Il finit par céder manifestement à contre cœur alors nous ne poursuivrons pas longtemps notre excursion, et aux premières vapeurs sulfureuses nous faisons demi-tour jusqu’à notre premier point d’observation.

Nous restons jusqu’au coucher du soleil pour tenter d’apercevoir les rougeurs du cratère au moins. Et alors que l’obscurité tombe nous pouvons enfin voir le rideau brumeux se tinter d’un orange rougeoyant et même voir des paquets de laves éjecter juste au-dessus du cratère. Nous ne restons pas longtemps car nous commençons à avoir froid et notre ami joue de plus en plus nerveusement avec son téléphone. A la lumière de la frontale nous regagnons l’endroit où les voitures nous attendent.

Assis dans la remorque du pickup, nous faisons la route en sens inverse en profitant du spectacle magnifique de la frondaison des fougères et des banians dont l’ombre noire se détache sur un fond de ciel étoilé. Pour une raison inconnue nous changeons de pickup en route. A l’intérieur tu fais la connaissance de Jocelyn qui déjà te donne rendez-vous chez elle pour jouer avec ses enfants au village. Puis on nous fait descendre sur le bord du chemin, et nous pénétrons avec Anthony dans un épais fourré dans lequel nous sinuons pendant une demi-heure à la seule lumière de notre lampe. Il semble savoir où il va, cela en fait déjà un au moins ! sur la gauche Anthony nous désigne un petit groupe de personnes autour d’un feu, éclairé seulement par une lampe fixé à une branche. C’est chez lui. Nous continuons et finissons enfin par arriver à la plage. Nous rejoignons le bord, prenons un rapide repas, une douche aussi et nous mettons au lit pour une longue nuit de repos.

Le lendemain je me rends chez Patrick comme convenu pendant que tu restes jouer sur la plage avec les enfants. Le village de Patrick est situé sur un surplomb à la plage.

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Un vingtaine de huttes basses, sur pilotis, en feuilles tressées, en bois, et en tôles sont disposées ça et là, un vague chemin menant de l’une à l’autre. Quelques bosquets de fleurs ou d’arbustes délimitent le terrain. J’ai un peu l’impression d’être dans le village d’Astérix. Ce village semble vivre en dehors du temps. L’eau courante est tirée directement de la montagne, l’électricité n’est produite que par un groupe électrogène qui ne fonctionne que rarement puisqu’il n’y a pas d’essence. Ici il n’y a pas de poubelles puisqu’il n’y a pas de déchets. Tout est exclusivement tiré de la terre ou de la mer. Malgré tout le village est entretenu avec soin et possède beaucoup de charme.

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Je m’aventure seul au milieu des maisons à la recherche de Patrick. Les habitants sont un peu étonnés de me trouver là, et moi aussi. Je finis par tomber sur une dame qui parle français et se présente comme la femme de Patrick qui est parti au jardin. Elle a été prévenue de ma venue et sort sans attendre le rotofil qu’elle dépose par terre sur une natte. Je constate d’emblée un problème évident : le démarreur est en deux morceaux. La corde du lanceur est séparée de l’ensemble. Elle me donne les trois outils dont elle dispose en ne doutant manifestement pas instant que je parvienne à réparer l’engin. De mon coté, je réalise qu’il va falloir que je me lance dans un démontage auquel je ne connais rien avec l’obligation de pouvoir au minimum remonter l’ensemble dans son état initial. Pas un magasin de bricolage, rien pour remplacer une pièce, je n’ai pas le droit de me tromper …

Alors me voici assis sur une natte au milieu du village face à face avec ce rotofil. Autour de moi, les gens vont et viennent sans se soucier vraiment de ma présence.

Heureusement la mécanique se révèle simple mais lorsque la pièce principale, un ressort, jaillit en dehors du carter que je viens à peine d’ouvrir, je sens passer une bonne bouffée de chaleur ! au moins aucune petite pièce n’est parti dans l’herbe et j’ai compris comment réparer le lanceur. Maintenant il ne reste plus qu’à remettre en place toutes ces pièces fragilisées par l’âge, sans les casser. Le ressort refuse lui de reprendre sa place et il va m’occuper plus trois heures. Quand enfin tout est remonté, l’après-midi touche à sa fin et j’aperçois Patrick qui rentre. Il est presque content car son rotofil fonctionne à nouveau, mais il trouve dommage que la corde du lanceur ne rentre pas entièrement dans le carter … Je lui explique que c’est à cause du ressort qui est fatigué, puis accepte finalement de redémonter ce que je viens de passer l’après-midi à remonter. Je lui suggère quelques améliorations possibles qu’il accepte aussitôt et me propose gentiment de ramener l’ensemble à bord pour que je puisse finir de réparer correctement. Il me fait remarquer également qu’un petit nettoyage du moteur serait appréciable … Il ne perd pas le Nord le Patrick ! Alors avant que la nuit ne tombe vraiment je repars avec son matériel sous le bras. Ravi de mon aide, il me tend deux noix de coco et me dit aussi de passer le voir demain au jardin pour me montrer comment il plante manioc et patate douce.

Le lendemain je retourne chez Patrick mon travail du soir accompli. Je le quitte satisfait pour continuer à marcher le long du sentier. Tu es resté joué à la plage avec les enfants alors j’en profite. Je traverse une école primaire, celle-ci est anglaise. D’autres sont françaises.

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Les deux langues cohabitent ici et on choisit celle avec laquelle on veut grandir, en plus de la langue originelle. Un peu plus loin ce trouve le Yacht Club. Une petite cabane aménagée au mieux des moyens qui manquent cruellement ici. La grande attention portée aux détails donne un résultat très charmant pourtant. Le temps de prendre quelques photos pour marquer la mémoire et je reprends le chemin vers la plage. Sur le retour je fais la connaissance de Daniel. Il a un rotofil … et il est en panne …

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Aujourd’hui c’est l’effervescence dans l’ile car un paquebot de croisière vient accoster. C’est la première visite depuis le passage du cyclone Pam il y a cinq mois et l’évènement est important car à part quelques voiliers de passage, l’ile ne reçoit quasiment aucune  visite de l’extérieur.

Les villageois ont apporté ce qu’ils avaient pour constituer un petit marché aux souvenirs, et préparer les costumes traditionnelles pour quelques danses. Je reste en compagnie des habitants en attendant le débarquement des touristes. Certains visages commencent à m’être familiers, et nous même commençons à leur être familier aussi, alors la conversation s’engage avec facilité sur le ton de l’humour, tantôt en français, tantôt en anglais. J’ai la confirmation que le volcan et la Nature font bien partie de la vie des habitants qui s’adressent à eux fréquemment pour solliciter leur bienveillance. Ils vouent aussi un culte étrange à un certain John Frum, un ancêtre dont je ne parviens à me faire expliquer l’impact manifestement important qu’il a eu sur la communauté. Quoiqu’il en soit, tous les vendredis soir, on se réunit de 18h à 6h pour chanter des louanges à John Frum.

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Lorsque les touristes débarquent tout le monde est là et la plage grouille d’enfants surexcités. Anthony sera l’un des guides touristique de la journée et m’a proposé de profiter des navettes qui vont monter au volcan pour le voir une deuxième fois. Malicieusement, il me fait comprendre que je n’aurais rien à payer. J’espère pouvoir bien voir le cratère que le brume nous a caché la première fois. Toi sans hésiter, tu préfères rester jouer avec les enfants. Je te confie à la maman d’Anthony et aux yeux de toutes les mamans qui resteront sur la plage jusqu’à notre retour à la nuit tombée.

(Vanuatu Port Resolution Maxime joue avec les enfants sur la plage)

Les sommets sont voilés et je n’ai pas beaucoup d’espoir de pouvoir voir le volcan cette fois encore. Le convoi de pickups s’engage sur le sentier que nous avions parcourus à pied la première fois. Je suis content que nous l’ayions fait à pied car sa beauté mérite qu’on prenne son temps pour le parcourir. Arrivé en haut j’ai la bonne surprise de découvrir que le site est en fait complètement dégagé des nuages et le spectacle est magnifique. On peut voir jusqu’aux trous par lesquels la lave est expulsée.

(Vanuatu_Volcan de jour)

(Vanuatu_Volcan de nuit)

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Elle n’est pas visible en surface mais il reste quatre des six trous originels qu’on distingue parfaitement. Deux furent bouchés lors du passage d’un cyclone. Deux des trous soufflent une fumée marrons poussiéreuses, des deux autres s’échappent une fumée bleue. Le volcan explose par intermittence.

Certaines des explosions sont si intenses qu’on voit les ondes de déflagration s’échapper du cratère. Quelques secondes après, le son arrive et le sol se met à trembler en même temps. Les trois heures que nous restons ici me paraissent bien trop courtes.

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De retour à la plage, je te retrouve au même endroit, toujours avec autant d’entrain, à jouer aux mêmes jeux avec les enfants. Chacun de notre coté, nous sommes ravis de la journée que nous avons passé. Quand les derniers touristes ont quitté la plage, que les derniers chants se sont tus, nous rejoignons notre bord à notre tour.

Nous ne resterons que quatre jours à Port Résolution car nous devons reprendre la route. Alors pour ce dernier jour, au lieu de courir à droite à gauche ou de satisfaire les petites urgences du bateau, nous passons l’après-midi sur la plage avec les enfants à ne rien faire, ou plutôt à faire des volcans de sable dans lesquels nous fourrons des bourres de coco enflammées. Anthony nous a rejoint et l’après midi s’étend jusqu’au soir autour d’un feu de camp. Il reste six enfants de ton age avec qui tu joues avec l’enthousiasme d’une dernière fois.

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Je suis triste que nous ne puissions rester plus longtemps car vous vous êtes adoptés mutuellement, et d’autant plus amer d’avoir changé mes plans et de n’être pas venu directement ici passer quinze jours. Pendant cette soirée, Anthony me raconte que sa mère est veuve depuis quelques années, et je comprends mieux maintenant le sens de cette discussion autour de la nécessité pour moi de trouver une compagne rapidement, et pourquoi pas au village. Plusieurs personnes m’ont demandé avec insistance ces jours-ci quand nous allions revenir, pourquoi nous ne restions pas ici. En me projetant un instant dans cette hypothèse je mesure l’incroyable espace qui sépare nos origines et nos mondes respectifs. Quand je leur explique mes projets, ils me proposent alors sérieusement de te garder avec eux le temps que je trouve du travail à Sydney. J’ai bien du mal à ne pas leur faire comprendre que leur mode de vie ne me fait pas envie et que j’espère bien parvenir à apporter un peu plus de confort à la notre. Et pour me faciliter la tache tu te ranges à leur coté en me demandant de rester avec eux ! j’en reviens à peine de ce que j’entends.

Vendredi 23 octobre, le petit déjeuner pris, le rituel du départ se met en marche : ranger le bateau et les mille petites choses qui trainent, remonter le hors-bord à bord, puis le zodiac en l’arrimant solidement. Dans le cockpit traine encore le panier tressé contenant les trois noix de coco et les plumes peintes utilisées pendant les démonstrations de danses locales, qu’Anthony nous a offert la veille. Toi et moi avons chacun offert ce que nous pouvions.

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L’ancre est levée. Nous quittons lentement cette baie un peu mystique et regardons le village disparaitre lentement derrière la pointe que nous contournons. Nous longeons l’ile toute la matinée et à midi nous atteignons le Sud de l’ile et bifurquons plein Ouest en direction de la Nouvelle Calédonie. C’est une belle journée ensoleillée pourtant, une demi-heure plus tard, alors que les sommets sont encore très hauts sur l’horizon, on ne distingue déjà plus l’ile qui a disparu dans les volutes d’une brume presqu’invisible.

 

 

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